L’HOTEL-DIEU AU XIVe SIECLE
Au XIVe siècle, la salle d’accueil appelée « hospitalitas » comptait 12 fournitures de lit pour les pauvres et ceux qui reçoivent l’hospitalité. Le bâtiment était géré par une fraternité de quatre à six frères sous la direction d’un prêtre investi par l’évêque de Paris.
Les censiers nous indiquent qu’au-delà de la salle d’accueil, le domaine comportait aussi cinq maisons de rapport, d’importantes terres et une chapelle (construite entre 1252 et 1351).
Dans chaque diocèse, au Moyen Age, l’évêque avait la haute surveillance des établissements hospitaliers et celui-ci déléguait un visiteur spécial chargé de l’inspection de ces établissements.
En 1351, Jean de Villescoublain, prêtre et doyen de Saint Thomas du Louvre fut chargé de cette tâche. Ce visiteur infatigable avait visité soixante six Maisons Dieu et léproseries en six mois. C’est par son procès verbal du 20 octobre 1351[1] que nous est décrit l’Hôtel-Dieu de Brie au milieu du XIVe siècle.
La communauté
La communauté, appelée « fraternité » était composé de personnes charitables, laïcs sans structure monastique, mais dirigé par un prêtre investi par l’évêque de Paris, comme certains autres membres. En 1351, elle se composait de quatre personnes :
Pierre de Courtil, prêtre du diocèse de Besançon ; Messire[2] Pierre dit Rousselet nommé maître ; frère Simon de Douyn ; sœur Jeanne, son épouse et sœur Sibille Bourgogne.
Le procès-verbal nous apprend que quelques temps auparavant la communauté comprenait deux personnes de plus, Frère André qui renoncé à la fraternité pour la cure de Vert la Grande et sœur Isabelle de Coulommiers qui a quitté volontairement la fraternité.
Les bâtiments
Ses bâtiments comprennent alors principalement une salle d’accueil, une maison avec cave et double cellier, une grange, des dépendances pour les animaux et le matériel.
L’Hôtel-Dieu possédait également une ferme aux Herses, sur la route de Périgny.
La salle d’accueil : C’est le lieu où sont reçus et hébergés les voyageurs fatigués . Cest « l’hospitalitas » dont il subsiste la façade gothique rue des Halles. Cette façade a été publié en 1857 par Verdier et Cattois[3] puis lithographié par Fichot[4] l’année suivante.
D’après l’inventaire mobilier, elle était prévue pour héberger douze personnes. On y trouvait en effet :
12 couches
12 matelas
12 couvertures
8 oreillers
120 draps de lit pour le service de l’hospitalité.
Dans la maison, séparée de la salle d’accueil, logeait la fraternité.
Le bâtiment était composé de :
– « diverses chambres ».
L’une était réservée pour le maître.
Celle-ci comportait des rideaux et une couche peinte.
Les autres chambres hébergeaient le reste de la communauté et les abondantes réserves de linge conservées dans les armoires et les coffres.
On dénombre en effets treize couches et six matelas ainsi que les bonnets de nuit.
– Ce bâtiment devait comporter une cuisine car l’inventaire nous énonce par le détail tous les objets culinaires.
Il est très probable que l’on servait des repas à certains pauvres voyageurs de passage (treize écuelles en étain).
Le cellier et le grenier préservent quelques réserves.
En ce qui concerne l’emplacement de la maison, on peut émettre l’hypothèse que l’assiette d’occupation des sols dans le centre ville n’a guère changé entre le XIVe siècle et le XVIIIe siècle et cette maison annexe pourrait correspondre à l’emplacement du bâtiment qui hébergera les malades quatre cents ans plus tard.
Des dépendances abritaient les quatre chevaux, un poulain et divers voitures et chariots. Au travers des Comptes de Jeanne d’Évreux [5], on voit la voiture et les chevaux de l’Hôtel Dieu utilisés pour transporter le bois du nouveau pressoir, à partir du Bois du Parc [6] jusqu’au centre de la ville de Brie.
La présence d’une chapelle est attestée par l’inventaire de ses objets.
Celui-ci est fort complet, mais aucun élément ne permet de localiser l’édifice. Ainsi, entre 1252 et 1351 la chapelle de l’Hôtel-Dieu avait été construite ou aménagée dans le bâtiment existant.
Les revenus de la Maison Dieu
Afin d’assumer sa mission l’Hôtel-Dieu tirait ses revenus de deux sources principales :
1/Tout d’abord des revenus de la moitié d’un moulin près de Boussy.
2/De locations de divers maisons dont l’Hôtel-Dieu est propriétaire. Pour ces maisons l’Hôtel-Dieu payait en 1335 des cens[7] à Jeanne D’Évreux pour 24 sols 3 deniers. Le cens moyen pour une maison était d’environ 3 sols 6 deniers à 4 sols. On peut donc estimer que l’Hôtel-Dieu possédait alors huit maisons. Celles-ci sont situés grossièrement dans le censier de 1394[8] :
-« Maison et manoir et appartenances séant au marché aux gélines[9] ».
-« Plusieurs autres maisons par dedans la fermeture de la ville… [10]»
-« Une maison appelée l’hôtel des bureilles… »
-« Deux autres maisons séant en la rue du chastel »
A l’extrérieur des remparts l’Hôtel-Dieu est encore propriétaire de quatre maisons à la Haie Dieu, quartier à l’Ouest des faubourgs
3/Des menus cens et dîme de blé et d’avoine des environs d’Evry.
Ces revenus sont chiffrés en 1351 à 13 livres 4 sols 6 deniers et sept setiers de grains.
4/ La ferme des Herces et l’exploitation des terres
– Le ferme des Herces, aujourd’hui disparue, se trouvait sur la chemin de Périgny, à la limite actuelle de la ville de Brie avec Périgny. Elle comprenait alors maisons, granges, étable cellier et dépendances avec son personnel comme en témoigne l ‘inventaire mobilier de la maison (dix couches, dix matelas, dix couvertures).
L’étable abritait quatre vaches et deux génisses.
Dans les dépendances, on trouvait 9 porcs, 2 truies, et 140 animaux à laine.
On mentionne le travail du chanvre , le tissage du lin et sans nul doute de la laine. Il est vrai que l’entretien et le renouvellement d’une trentaine de couvertures, plus de 200 draps de lit et quarante nappes et essuie-mains, nécessitaient un travail de tissage important.^
Les celliers étaient bien remplis : blé et orge, ainsi que les tonneaux de vins.
– Les 120 arpents de terre étaient composées de terre à blé (32 arpents), de marais (46 arpents), de près (4 arpents) de vignes (12 arpents) et de jachère. Une partie des ces terres se situe sur la censive de la reine, ainsi certaines parcelles sont déclarées le censier de 1335 :
« L’ostel Dieu de Braye pour un arpent de terre vers l’orme de Dude : 8 deniers obole
-Eulx pour 3 quartiers séans à la crois brisées : 4 deniers obole
-Eulx pour un arpent qui fut maistre Pierre Morel : 6 deniers
– Eulx pour un arpent séant vers les prés le roy tenant d’une part aux diz prés : 6 deniers
-Eulx pour un arpent de vigne séant au petit val : obole.
5/ Maisons terres et jardins à cens et à droiture
Ainsi, la bonne gestion et l’exploitation des biens de L’Hôtel-Dieu permattait à celle-ci de vivre en autarcie, avec même des projets d’extension. En effet, Jean de Villescoublain terminait son rapport par cette phrase « les bâtiments sont en bon état et on en construit de nouveaux ».
A la lecture du compte rendu de visite, on remarque que Jean de Villescoublain s’attache à noter le bon et le mauvais état du mobilier et des bâtiments ainsi que le revenu des propriétés et des droits féodaux. Il va jusqu’à suggérer que le revenu des locations de maisons pourrait être augmenté. Ainsi, au XIVe siècle, l’Église de Paris, par l’intermédiaire de son évêque, qui investit le maître de l’établissement, garde la main sur l’organisation et la gestion de l’Hôtel-Dieu et en toute indépendance par rapport au seigneur local.
LA MAISON AUX MALADES
A cette époque , la Dame de Brie est Jeanne d’Évreux, veuve de Charles IV Le Bel. Nous avons vu précédemment que l’Hôtel-Dieu , depuis son origine, était réservé aux malades de passage, voyageurs et mendiants attirés par le commerce florissant et non pour les malades de la ville. Cette restriction sera confirmée par un acte au XVIe siècle [11].
La reine Jeanne d’Évreux combla cette lacune en créant « une maison aux malades », afin de recueillir et soigner les malades de la ville. D’après ses comptes [12] cette maison était située au « petit presbitaire ». Un acte du XVIe siècle localisait la maison aux malades près de la porte des Fontaines (actuellement rue de la Madeleine). Cet établissement semble n’avoir subsisté que peu de temps . D’après R. Goulard la Maison aux malades fut désaffectée et devint une ferme en 1363.
[1] Léon Legrand – Les Maison-Dieu et léproseries du diocèse de Paris au milieu du XIVe siècle d’après le registre de visite du délégué de l’évêque (1351-1369). mémoires de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Ile-de-France. Tome XXIV, 1897, Paris
[2] Pierre dit Rousselet est appelé messire (dominus) appartenant probablement à une famille noble.
[3] Verdier et Cattois – Architecture civile et domestique. 1857.
[4] Gravure de Fichot – Monuments de Seine-et-Marne, 1858.
[5] Comptes de JE (Arch. nat. KK287)
[6] Le Bois du Parc, aujourd’hui disparu, se situait entre Brie et Chevry sur l’emplacement de la ferme du même nom .
[7] Le cens était une redevance au seigneur qui possédait le fief sur lequel se trouvait le bien immobilier ou foncier.
[8] Censier d’Orléans de 1394 (Arch. nat. : KK 288)
[9] Rue des poulettes maintenant rue Gallieni
[10] Il faut entendre par fermeture de la ville, le mur d’enceinte qui faisait office de rempart et entouré de fossés.
[11] Arch. nat. : L425 n°57 (2 fèv. 1555).
[12] déf comptes de JE